“Close your eyes and listen to it”: schizophonia and ventriloquism in Beckett’s plays

Cet article considère la question de la voix enregistrée dans le théâtre de Beckett, et plus spécifiquement dans la deuxième partie de son oeuvre, écrite à partir du milieu des années cinquante. On y observera l'usage que fait Beckett des voix enregistrées comme techniques matérialisant la conscience divisée des personnages et leur parole schizoïde. Avec l'avènement des technologies du son dans les années cinquante, Beckett semble en revenir à des concepts psychanalytiques qui avaient inspiré son oeuvre au début des années trente, mais celles-ci sont transformées et réinterprétées dans la perspective nouvelle de la médiatisation technologique. Nous arguerons notamment que Beckett remplace l'approche psychanalytique de la voix schizoïde par une illustration concrète, matérialisée sous la forme d'une “voix médiatisée”, grâce aux technologies de la bande magnétiques et de la radio. Afin de le démontrer nous nous concentrerons sur le déplacement des centres d'intérêt de Beckett de la schizophrénie à la “schizophonie”, un concept introduit par R. Murray Schafer pour désigner la césure entre le son et sa source. Nous analyserons ainsi le “ventriloquisme” des personnages de Beckett, lequel témoigne d'un intérêt grandissant pour l'extériorité et l'altérité.This paper addresses the question of the recorded voice in Beckett's drama, and more specifically in his second and later theatre, after the mid-fifties. It investigates Beckett's use of recorded voice technologies as a technique to materialise the characters’ split consciousness and schizoid voice. With the advent of sound technology in the mid-fifties, Beckett appears to return to psychoanalytical concepts which had informed his works in the early thirties, now transforming and reinterpreting them from a medial perspective. Notably, the paper argues that Beckett replaces the psychoanalytical approach of the schizoid voice by a concrete illustration, materialized in the form of the “mediated voice”, via the technologies of recording tape and the radio. To do this, the paper focuses on Beckett's shifting interest from schizophrenia to “schizophonia”, a concept coined by R. Murray Schafer to denote the split between the sound and its source. It thus analyses the “ventriloquism” that animates Beckett’s dramatic characters arguing for a growing interest in exteriority and alterity